Toucher lourd ou toucher léger ?

On entend souvent parler du « toucher » d’un piano. Les pianistes le prennent en compte presque autant que le son lui-même. Beaucoup semblent privilégier le toucher lourd des pianos à queue par rapport au toucher plus léger des petits pianos droits ou des pianos numériques.

Mais de quoi s’agit-il vraiment ?

Les touches ont-elles un poids réel ? Ce poids influe-t-il sur la qualité d’un piano ? Peut-on le modifier ?

C’est ce que nous allons voir dans cet article.

Qu’est-ce que le « poids » d’une touche ?

Lorsqu’on appuie sur une touche, on effectue une poussée vers le bas pour l’amener à son point le plus bas (environ 1 cm sous son niveau de repos). Ce simple geste déclenche pourtant une chaîne de mouvements complexes :

· la touche agit comme un levier et se soulève à l’extrémité opposée ;

· elle pousse l’étouffoir, qui se décolle de la corde ;

· elle active le chevalet, qui pousse le bâton d’échappement ;

· lequel entraîne enfin le marteau vers la corde qu’il doit frapper.

Même simplifiée, cette description montre qu’appuyer sur une touche met en mouvement de nombreuses petites pièces. C’est en grande partie ce qui donne la sensation de poids sous les doigts.

À cela s’ajoute le poids propre de la touche. Pas tant celui du bois (souvent très léger, comme le sapin ou le tilleul), mais celui du plomb inséré dans la touche pour l’alourdir.

Chaque facteur de piano a ses habitudes en matière de position et de masse de ce plomb.

Enfin, il faut compter les frottements : pivots, axes, tiges, garnitures en feutre… Même réglés avec soin, ils créent une résistance.

👉 Le toucher n’est donc pas le poids réel d’une touche, mais la sensation produite par ces différents facteurs cumulés.

Toucher lourd, toucher léger : quelles différences ?

Traditionnellement, les pianistes associent le toucher lourd aux grands pianos à queue et le toucher léger aux petits pianos droits ou aux claviers numériques.

Pourquoi ?

· Les mécaniques des grands pianos sont plus grandes et plus lourdes.

· Les contrepoids de plomb sont différents.

· Le choix des essences de bois joue aussi.

Dans les claviers numériques – et encore plus dans les synthétiseurs –, le mécanisme est seulement imité : il n’y a pas de véritable mécanique, mais des ressorts qui assurent le retour de la touche. La résistance est donc très faible, d’où ce toucher qualifié de « léger ».

C’est sans doute ce contraste qui donne sa bonne réputation au toucher lourd, souvent associé à la qualité et au prestige.

Pourtant, un toucher trop lourd peut nuire à la vélocité, fatiguer le pianiste et limiter la dynamique du jeu. En réalité, tout est affaire d’équilibre… et de goût.

Les touches sont lestées avec des poids de plomb

Le rôle des poids de plomb

Chaque touche est équilibrée grâce à un ou plusieurs poids de plomb, parfois placés à différents endroits. Le poids d’équilibre se situe généralement autour de 40 grammes, mais sa perception varie selon la position exacte du plomb : plus il est placé vers l’extrémité opposée à la frappe, plus la sensation de lourdeur est marquée.

Sur les anciens pianos, le plomb était souvent inséré tout au bout de la touche, dans une mortaise ajustée.

Mais le plomb a un défaut majeur : il s’oxyde facilement.

Sous climat humide (et plus encore sous les tropiques), le plomb gonfle, devient friable et peut fissurer le bois.

Les touches peuvent alors se coller entre elles ou se bloquer, provoquant des pannes récurrentes et gênantes.

👉 Dans bien des cas, on peut poncer l’excédent de plomb oxydé et appliquer une fine couche de vernis pour l’imperméabiliser. Cela allège légèrement le toucher, mais permet souvent de sauver l’instrument.

Peut-on modifier le poids du toucher ?

Oui, dans une certaine mesure.

· On peut changer les plombs. C'est possible, mais très long et coûteux : on ne le fait qu’en dernier recours.

· Sans modifier le poids réel, certains réglages de mécanique peuvent modifier la sensation.

Un exemple concret : le réglage du départ individuel des étouffoirs.

Quand on appuie sur la touche, une petite tige en forme de cuillère appuie sur la lame de l’étouffoir pour libérer la corde. Si cette cuillère est réglée plus proche, l’effort à fournir arrive plus tôt et donne l’impression d’un toucher plus lourd. À l’inverse, si elle est un peu éloignée, le toucher semble plus léger.

C’est un ajustement subtil, mais qui change beaucoup la sensation sous les doigts.

En conclusion

Le toucher d’un piano ne dépend pas uniquement du poids de la touche, mais d’un ensemble de facteurs mécaniques, de réglages et de choix de matériaux. Un toucher lourd n’est pas nécessairement meilleur qu’un toucher léger : tout est question de confort, de style de jeu et de préférence personnelle.

👉Et si vous souhaitez que je vérifie le poids du toucher de votre piano, ou que je l’ajuste à vos besoins, n’hésitez pas à me contacter via la page contact de mon site.