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Accorder à l’oreille, ou à la machine ?

  • Photo du rédacteur: Patrick Laviosa
    Patrick Laviosa
  • 16 août
  • 3 min de lecture

Depuis quelques années, des applications très performantes – comme TuneLab, bien connue des professionnels – permettent d’analyser avec une précision stupéfiante la fréquence des notes d’un piano.

Peut-on leur faire confiance aveuglément ? L’accordeur est-il devenu obsolète, remplacé par un logiciel infaillible, toujours juste, toujours précis ?

Eh bien… pas tout à fait. Car l’accord d’un piano est tout sauf une science exacte.


La justesse absolue n’existe pas

Dans la nature, les sons parfaits sont rares. Une même note jouée deux fois sur deux cordes distinctes ne produit jamais exactement le même son. C’est normal : la vibration d’une corde dépend de mille choses – son diamètre, sa longueur, sa tension, sa température, son point de frappe… Et même si TuneLab ou une autre application détecte une fréquence précise, ce que l’oreille perçoit peut en réalité être très différent. Il y a la fréquence réelle… et la fréquence ressentie. Comme en météo, où la température ressentie ne correspond pas toujours à la température affichée, notre oreille perçoit parfois une note comme trop haute ou trop basse alors qu’elle est mathématiquement juste.



🫣 Une image effrayante : un accordeur qui se fie uniquement à sa machine.
🫣 Une image effrayante : un accordeur qui se fie uniquement à sa machine.

Le rôle irremplaçable de l’oreille humaine

L’oreille de l’accordeur, contrairement à la machine, peut faire des compromis. Elle tient compte des particularités du piano, de l’inharmonicité des cordes, des résonnances, des vibrations parasites, de l’ambiance acoustique de la pièce. Elle sait ajuster, adoucir, équilibrer… pour que l’ensemble trouve une logique globale et une texture sonore agréable à l’oreille humaine.

Dans les extrêmes aigus, par exemple, les notes rigoureusement justes paraissent souvent trop basses. L’accordeur corrige alors en montant légèrement ces notes : on appelle cela écarter les octaves.[1] L’extrême grave a aussi ses particularités : on entend parfois mieux les harmoniques que la fondamentale. Tout cela, la machine l’ignore. L’humain, lui, l’entend.


Bien sûr, certains accordeurs électroniques très sophistiqués intègrent des fonctions inspirées de l’oreille humaine. Ils écartent les octaves, simulent l’inharmonicité, proposent des tempéraments adaptés… Mais ils appliquent tout cela sans discernement.

Or chaque piano – et chaque corde – est unique. C’est là que l’humain fait toute la différence.


Les accordeurs électroniques : des outils précieux

Alors, à la poubelle les accordeurs électroniques ?

Bien sûr que non ! Utilisés avec discernement, ce sont des outils formidables :


  • Pour déterminer la hauteur générale du piano (est-on à 440 Hz ? à 435 ? plus bas encore ?) : La machine le dit en quelques secondes.

  • Pour effectuer une mise au ton : lorsqu’un piano est trop bas, il faut remonter la tension des cordes progressivement. L’accordeur électronique peut calculer la hauteur à viser pour que la corde revienne ensuite exactement où il faut, en réduisant le risque de casse.

  • Pour un élève en apprentissage : vérifier son travail à la machine après un accord manuel est un excellent exercice. La machine devient alors un simple contrôleur.

  • Pour gagner du temps : en cas d’urgence ou en fin de journée, certains professionnels peuvent ponctuellement s’aider de la machine pour poser leur octave de référence (« faire la partition »). Mais l’essentiel doit toujours être vérifié et ajusté à l’oreille.


La machine, oui. Mais l’oreille d’abord !

Un piano accordé uniquement à la machine ne sera jamais affreusement faux, c'est vrai... mais il sonnera souvent plat, sans vie, sans relief. Et surtout, il ne sera pas forcément adapté à ce piano-là, dans cette pièce-là, pour cet usage-là.

Par ailleurs, un danger plus grand guette les professionnels : celui de perdre leur oreille. J’ai connu d’excellents accordeurs devenus complètement dépendants de leur machine. C’est une béquille utile, bien sûr, quand on est fatigué ou pressé… mais qu’il faut utiliser avec parcimonie et prudence.


En conclusion…

La technologie ne remplace pas l’humain. Elle peut l’aider, l’accompagner, le soutenir… mais c’est toujours l’oreille de l’accordeur qui fait la différence.

Si vous souhaitez entendre tout ce que votre piano peut offrir, je me ferai un plaisir de venir l’accorder – entièrement à l’oreille, bien sûr ! 😉


 
 
 

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