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Comment accorde-t-on un piano ?

  • Photo du rédacteur: Patrick Laviosa
    Patrick Laviosa
  • 30 juil.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 1 jour


Un accordeur en train d'accorder un piano droit, à Paris
Magie ou technique ?...

Lorsque je n'étais « que » pianiste et que je voyais l'accordeur travailler, la scène me paraissait presque magique. Il se penchait sur les chevilles, jouait des notes qui sonnaient faux… puis qui devenaient juste.

Je me demandais : Comment s’y prend-il ? Est-ce un don ? Une science exacte ?

Dans cet article, je vous propose de lever le mystère sur l'accord du piano.

Vous allez découvrir que ce n’est pas une question de magie, mais de technique, d'expérience… et d’un peu de goût.


Déterminer la hauteur de départ

Avant de commencer, on choisit la hauteur à laquelle on va accorder le piano : en général, le La4 sera accordé à 440 Hz ou à 442 Hz.

Traditionnellement, on utilisait un diapason à branches. Aujourd’hui, la plupart des accordeurs préfèrent un diapason électronique, plus précis, qui permet aussi de mesurer la hauteur actuelle du piano.

👉 Si le piano est trop bas (par exemple, si le La est tombé à 435 Hz ou encore moins), on devra faire ce qu’on appelle une mise-au-ton : on retend progressivement les cordes pour les amener à une hauteur acceptable, avant de pouvoir accorder de manière stable.


Une corde à la fois

On accorde toujours une seule corde à la fois, et toujours en la comparant à une autre corde. Pour cela, on utilise des bandes de feutre et des coins en feutre ou en caoutchouc, pour étouffer les cordes qu’on ne veut pas entendre.

L’outil principal s’appelle une clé d’accord. Elle permet de tourner les chevilles avec finesse, un peu comme un tournevis très spécial.

C’est un geste technique, qui demande précision et souplesse.

Bande de feutre d'accordeur
La bande de feutre
Outils nécessaires à l'accordeur
Coins, bande de feutre et diapason
Coins en caoutchouc pour accorder un piano
Les coins en caoutchouc et la clé d'accord

Écouter les battements

Le principe de l’accord repose sur un phénomène acoustique essentiel : les battements. Lorsqu’on joue deux notes, on entend une sorte de vibrato sur le son. Ce battement provient de l’interaction entre leurs harmoniques.

Plus on s’éloigne de la justesse harmonique, plus les battements s’accélèrent. À l’inverse, lorsqu’un intervalle est parfaitement juste, les battements disparaissent, et le son devient pur, uni, stable. C’est ce critère qui guide tout le travail de l’accordeur : il apprend à écouter, comparer, et mesurer la vitesse de ces battements, parfois jusqu’à pouvoir compter combien se produisent par seconde.

 

Un peu d’acoustique : dans le tempérament égal, que nous utilisons aujourd’hui, chaque intervalle est légèrement modifié par rapport à la justesse naturelle. Les quintes sont rendues légèrement plus petites, les quartes un peu plus grandes, les tierces majeures sensiblement plus larges, etc.

En revanche, certains intervalles doivent être parfaitement justes, sans aucun battement : c’est le cas de l’unisson et de l’octave. Ce sont eux qui servent de repères solides tout au long du travail d’accord.


Faire la partition

L’accord commence toujours par une étape essentielle : établir une octave de référence, généralement du Fa3 au Fa4. On appelle cela « faire la partition ».

Cette octave va servir de base pour accorder tout le reste du piano, par octaves successives, vers les aigus et vers les graves. Chaque demi-ton de cette octave doit être très précisément placé, car la moindre erreur se répétera ensuite et s’amplifiera par duplication, ruinant l’équilibre final.

Tous les accordeurs suivent les mêmes grandes étapes, mais chacun a sa méthode. Certains préfèrent commencer par monter ensuite vers les aigus, moi je préfère descendre vers les graves. Il n’y a pas une seule façon de bien faire.

 

Construire l’octave de référence

Une fois le La4 accordé, on établit l’octave de référence. Voici une méthode parmi d’autres, celle que je pratique :

  • On accorde le La3 par octave juste à partir du La4.

  • Ensuite, on construit les autres notes à partir de combinaisons de quartes et de quintes, en observant précisément la vitesse des battements :

    Le Ré4 à partir du La3 (quarte battant à 1 battement/seconde)

    Le Sol3 à partir du Ré (quinte lente)

    Le Do4 à partir du Sol, etc.

À chaque étape, on vérifie les tierces, les quartes, les quintes, et on s’assure que tout s’ajuste de façon progressive. Dans un tempérament égal, les demi-tons doivent tous être identiques mais, pour ce faire, les intervalles doivent tous battre à des allures différentes : les quartes lentement, les tierces plus rapidement…

C’est l’étape la plus délicate de tout l’accord.


Accorder les unissons

Une fois l’octave bien construite, on libère les cordes étouffées et on accorde les unissons : les deux ou trois cordes qui composent chaque note, en les mettant rigoureusement à la même hauteur.

À ce stade, le moindre battement, chuintement ou miaulement est traqué. On veut obtenir un son pur et parfaitement stable.


Étendre l’accord vers les graves

Une fois l’octave de référence prête, on progresse vers les basses : demi-ton par demi-ton, par octaves justes, en vérifiant aussi les autres intervalles (quintes, quartes, tierces) à chaque étape.

Dans les extrêmes graves, les sons deviennent plus flous. L’oreille « musicale » doit prendre le relais de l’oreille « technique ». Certains accordeurs se fient aux harmoniques, d’autres à la sensation de vibration. Personnellement, j’aime que les graves soient légèrement plus graves que la justesse théorique, pour donner de la rondeur et de la profondeur au son. C’est là que le goût entre en jeu.



Schéma expliquant le concept "élargir les octaves"
Différence entre justesse ressentie et justesse réelle...

Puis vers les aigus

Après les graves, on accorde les aigus (ou l’inverse, selon les habitudes). Même principe : progression par octaves, vérifications croisées, et accord de chaque corde d’unisson.

Dans les extrêmes aigus, les battements deviennent difficilement perceptibles. Là encore, la sensation prime. Personnellement, j'aime que les aigus soient très légèrement montés, pour donner de la légèreté et de l’éclat à l’instrument.


L’accord final : technique et musicalité

Un bon accord doit être à la fois techniquement juste et musicalement convaincant. Tout au long du travail, il faut jouer des accords, des arpèges, écouter comment les notes résonnent entre elles.

À la fin, on réécoute chaque note : il arrive qu’un unisson ait légèrement bougé, qu’une corde se soit un peu détendue. On fait alors quelques retouches.

Puis on joue un morceau ou deux. Il est bon de jouer une musique à laquelle on est très habitué, pour repérer immédiatement si un intervalle ou un unisson n'est pas correct.

(Personnellement, j'ai l'habitude de jouer la Gnossienne n°1 ...)  🤫
(Personnellement, j'ai l'habitude de jouer la Gnossienne n°1 ...) 🤫

Enfin, on laisse le pianiste jouer lui-même, et on ne quitte le piano que lorsque le pianiste est pleinement satisfait du résultat.


En résumé

Accorder un piano, ce n’est pas simplement tourner des chevilles. C’est ajuster plus de 200 cordes, réparties sur près de 8 octaves, selon une logique acoustique complexe mais précise, et en s’adaptant toujours à l’instrument, à la pièce, au pianiste.

 

👉 Si vous souhaitez voir comment cela se passe en vrai, n’hésitez pas à me contacter. Je serai heureux de vous montrer comment un piano faux peut, en une heure, redevenir juste !

 
 
 

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