« C’est quoi ? » : 5 – Les étouffoirs
- Patrick Laviosa
- 16 sept.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 nov.
Beaucoup de parties du piano restent mystérieuses, y compris pour les pianistes. Aujourd’hui, j’ai choisi de lever le voile sur une pièce très importante : l’étouffoir. Sans lui, le piano ne serait pas ce qu’il est.
À quoi sert un étouffoir ?
Lorsqu’on joue une note, la corde vibre. Et elle pourrait continuer de vibrer sans s’arrêter, pendant un temps indéfini, si on ne l'arrêtait pas.
C’est ce qui se passe sur les guitares ou les harpes. Sur ces instruments, la main du musicien peut venir couper la vibration. Au piano, en revanche, on n’a pas accès directement aux cordes lorsqu’on joue.
L’idée ingénieuse a donc été d’inventer un petit tampon qui vient poser du feutre sur la corde pour l’arrêter au moment voulu. C’est de là que vient son nom : il « étouffe » la corde. Grâce à lui, on obtient la propreté du son, la précision du jeu, la variété des nuances, et toute la palette allant du staccato au legato.
Un peu d’histoire

Les tout premiers modèles de piano, inventés par B. Cristofori au début du XVIIIe siècle, étaient déjà équipés d’étouffoirs. C’était exceptionnel, car aucun autre instrument de clavier n’avait jusque-là recours à un système équivalent.
Bien sûr, ils étaient rudimentaires : de petits morceaux de peau ou de cuir, qui retombaient sur les cordes lorsqu’on relâchait la touche. Mais le principe était déjà exactement celui que nous connaissons encore aujourd’hui.
Au fil des siècles, les étouffoirs ont évolué :
XVIIIe siècle : bois + cuir.
XIXe siècle : perfectionnements divers, apparition des premiers feutres grossiers.
Milieu XIXe : développement des systèmes plus efficaces.
Aujourd’hui : l’étouffoir moderne est constitué de feutre foulé, dense et taillé à la section de la corde, ce qui garantit un étouffement précis et homogène.
Comment ça fonctionne ?
L’étouffoir a toujours la même mission : arrêter la vibration de la corde quand on le souhaite. Il fonctionne de deux manières.
Individuellement : lorsqu’on appuie sur une touche, l’étouffoir correspondant se soulève, laissant la corde vibrer. Quand on relâche la touche, il retombe aussitôt sur la corde.
Collectivement : lorsqu’on actionne la pédale forte, tous les étouffoirs se soulèvent exactement au même moment. NB : Si c’est la pédale tonale qu’on actionne, ce sont seulement les notes déjà enfoncées qui sont libérées, mais le principe est le même.
Même si on ne joue qu’une seule note, toutes les cordes libres se mettent alors à résonner par sympathie, enrichissant considérablement le son. Quand on relâche la pédale, tous les étouffoirs retombent ensemble, coupant net les vibrations et permettant une nouvelle séquence musicale claire.
Ils sont de différentes formes, selon qu'ils étouffent une note composée d'une corde (en tunnel), de deux cordes (en coin ou en V) ou de trois cordes (plats ou en W).

Piano à queue / piano droit
Sur un piano à queue, l’étouffoir est généralement placé au-dessus de la corde. Il retombe naturellement par gravité, sans autre mécanisme nécessaire.
Sur un piano droit, les cordes étant verticales, la gravité ne suffit pas. On utilise donc un ressort qui repousse l’étouffoir contre la corde. Lorsqu’on joue une note, un système de leviers pousse l’étouffoir en sens inverse du ressort, et quand on relâche, le ressort ramène l’étouffoir sur la corde, imitant ainsi la gravité.


Le réglage des étouffoirs
Un bon réglage est capital. Une note qui résonne trop longtemps devient vite gênante, mais ce n’est pas tout :
Si les étouffoirs ne se lèvent pas tous exactement en même temps, certaines notes peuvent ne pas vibrer correctement, et s’arrêter trop tôt ou trop tard.
Individuellement, le départ de l’étouffoir se règle à mi-course du marteau, grâce à une petite pièce en forme de cuillère qu'on appelle... la cuillère ! 😁
Un mauvais réglage n’affecte pas seulement la propreté du son, mais aussi la sensation du clavier : le point où l’étouffoir se dégage ou se rajoute à la touche influe sur l’impression de clavier lourd ou léger.

D’autres systèmes
Si le piano moderne a standardisé ses étouffoirs, il existe ou a existé d’autres dispositifs :
Sur certains pianos droits, le système à baïonnettes, où l’étouffoir est actionné par une longue tige passant devant les cordes, ce qui rend l’accord particulièrement délicat.
Sur certains pianos à queue, des systèmes d’étouffoirs en dessous compliquent le réglage.
Ces variantes montrent que les facteurs de pianos ont longtemps cherché la meilleure solution.
En conclusion
L’étouffoir est une pièce discrète, mais absolument essentielle : il donne au piano sa clarté et sa précision. C’est lui qui permet au pianiste de passer d’un jeu détaché à un legato ample et résonnant.
Si vous remarquez une note qui vibre trop longtemps, ou au contraire une note qui reste étouffée alors qu’elle ne devrait pas, parlez-en à votre accordeur.
👉 Personnellement, je vérifie toujours attentivement le fonctionnement des étouffoirs lors d’un accord ou d’un entretien.
Et si vous souhaitez un piano parfaitement réglé, n'hésitez pas à me contacter : je me ferai un plaisir de venir m’en occuper.



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