"C'est quoi ?" : 2 - Les pédales
- Patrick Laviosa
- 2 août
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Nos pianos modernes sont presque tous dotés de trois pédales. Mais à quoi servent-elles exac-tement ? Et sont-elles là depuis toujours ?
Pour le comprendre, il faut remonter un peu le temps…

Avant les pédales : leviers, glissières et autres astuces
Avant l’invention du piano, les instruments à clavier comme le clavecin ne disposaient pas de pédales. Pourtant, on cherchait déjà à varier le timbre du son produit. Pour cela, on utilisait des leviers ou des glissières actionnables à la main.
Le clavecin proposait par exemple un jeu de luth, qui imitait le son pincé et sec de l’instrument du même nom, ou encore un jeu nasal, qui apportait une couleur plus aigrelette et perçante. Mais ces effets ne permettaient pas de jouer plus fort ou plus doucement : ils agissaient uniquement sur la texture sonore, et ne pouvaient être activés qu'entre deux morceaux. Il n’existait donc pas encore de mécanisme permettant de moduler l’expression pendant le jeu.
L’apparition du pianoforte
Vers 1700, le pianoforte change la donne. Pour la première fois, il devient possible de jouer une même note plus ou moins fort, simplement en variant la pression exercée sur la touche. C’est une véritable révolution. Mais il faudra attendre encore un peu pour que l’idée d’une commande au pied fasse son apparition.
Les premières genouillères
Vers le milieu du XVIIIe siècle, grâce notamment aux innovations de l’Allemand Gottfried Silbermann, apparaissent les premières genouillères : de petits leviers placés sous le clavier, actionnés avec les genoux. L’une d’elles permet de lever tous les étouffoirs pour prolonger la résonance (l’ancêtre de notre pédale forte), l’autre atténue le son (un peu comme la pédale douce d’aujourd’hui).
Très vite, des facteurs inventifs ajoutent d’autres genouillères ou leviers, imitant parfois le timbre d’instruments comme la harpe ou le basson… voire ajoutant tambours et cymbales pour rythmer le jeu ! Des claviers-spectacles, en somme.
Les pédales au pied : une avancée décisive
En 1783, John Broadwood, un célèbre facteur anglais remplace pour la première fois la genouillère droite par une pédale au pied. Cette innovation améliore considérablement la précision du jeu. C’est la naissance de la pédale forte moderne.
(Attention, prononcez bien : pédale « forté » !)
À la fin du siècle, les pédales se multiplient. Un modèle Érard de 1794 en comptait six : forte, douce, harpe, basson, célesta et janissaire (percussion).
Certaines relevaient plus du gadget que de la nécessité… mais l’exploration était en marche.

1808 : l’invention de la pédale « una corda »
Une autre avancée majeure est due à Sébastien Érard, qui, en 1808, conçoit la pédale « una corda ». Grâce à un ingénieux système, elle décale légèrement toute la mécanique vers la droite, de sorte que les marteaux ne frappent qu’une seule corde (dans la réalité, plutôt deux) au lieu de trois. Le son devient plus doux, plus feutré, moins dense.
Ces deux pédales – la forte et la una corda (douce) – deviennent les standards. Les genouillères, peu pratiques, disparaissent progressivement.
L’arrivée de la pédale tonale
En 1844, le facteur français Jean-Louis Boisselot dépose un brevet pour une troisième pédale : la pédale tonale, dite aussi sostenuto. Placée au centre, elle permet de prolonger uniquement les notes déjà enfoncées au moment de son activation. On peut ainsi faire résonner des basses, tout en jouant staccato par-dessus. Un procédé ingénieux, mais pas très facile à utiliser et qui reste, encore de nos jours, peu pratiqué dans le jeu courant.
Steinway adopte rapidement cette nouvelle pédale, et elle devient peu à peu la norme… mais uniquement sur les pianos à queue.
👉 NB : On appelle parfois la pédale forte pédale de « sustain », par anglicisme. C’est une appellation répandue et compréhensible, mais attention à ne pas la confondre avec la pédale « sostenuto » : elles n'ont pas du tout la même fonction.
Le cas des pianos droits
Les pianos droits, qui se développent un peu plus tard, adoptent tout de suite les deux pédales principales.
La pédale douce y fonctionne différemment : dans un piano droit, on ne peut pas faire glisser toute la mécanique sur le côté, comme on le fait dans un piano à queue. À la place, les facteurs ont imaginé un système plus simple : une barre transversale permet de rapprocher les marteaux des cordes de quelques centimètres. Ainsi, les marteaux ont moins d’élan, ce qui réduit naturellement le volume sonore.
Ce n’est pas tout à fait l’effet una corda, mais cela s’en rapproche.
Quant à la pédale tonale, elle est très rarement présente sur les pianos droits (sauf sur des modèles très haut de gamme).
Pendant longtemps, ces pianos n’avaient donc que deux pédales. Mais comme ce sont souvent des instruments d’appartement, sur lesquels on cherche à réduire le volume sonore, une troisième pédale est souvent apparue au centre : la sourdine.

Elle vient placer une simple bande de feutre entre le marteaux et les cordes. Cela permet de jouer à très faible volume – très pratique en appartement, pour ne pas déranger les voisins. Cette pédale est au milieu, placée là où se trouve la pédale tonale sur un piano à queue. Mais ce n’est pas systématique : sur certains modèles, la sourdine se commande à la main, via un petit levier, ou même par des systèmes qui rappellent étrangement… les genouil-lères des anciens pianofortes !
Enfin, sur quelques modèles de pianos droits, certains facteurs ont tenté de s’approcher de l’effet sostenuto. Ils ont conçu une pédale du milieu qui agit comme une pédale forte, mais uniquement pour les notes graves. Les accords de la main gauche peuvent alors continuer à résonner, tandis que la main droite joue en staccato. L’idée est ingénieuse, mais reste peu utilisée dans la pratique.
En résumé
Parmi toutes les expérimentations, deux pédales se sont imposées comme essentielles :
– à droite : la pédale forte, qui prolonge les sons.
– à gauche : la pédale douce, qui les adoucit.
Au milieu, il y a souvent une troisième pédale :
La pédale tonale, presque uniquement sur les pianos à queue.
La pédale de sourdine, uniquement sur piano droit.
Besoin d’un conseil ou d’un accord ?
Vous avez un doute sur le bon fonctionnement des pédales de votre piano ?
N’hésitez pas à me contacter, je suis à votre écoute pour vous expliquer et pour les régler.



Commentaires